Eric Bertinat - La votation du 9 juin sur l’approvisionnement énergétique de la Suisse, obtenu uniquement grâce aux énergies renouvelables (l’eau, le soleil, le vent et la biomasse) sera possible, entre autre, grâce à des modifications de lois qui permettront l'installation de centaines d’éoliennes et de milliers de panneaux solaires (voir notre précédent commentaire - Lettre N° 206 - 25 avril 2024). C’est possible, nous assure les Chambres et le Conseil fédéral ! Mais qu’en disent les spécialistes ? Ceux que la grâce d’un mandat parlementaire n’a pas touché... «Il faut dépenser de plus en plus d’énergie pour en produire, une donnée calculée par le taux de retour énergétique ou EROI (Energy Returned On Energy Invested)» nous explique l’excellent magazine français Transitions et énergies (N° 20, printemps 2024). Et de préciser que «C’est un outil à la fois indispensable et totalement négligé pour mesurer la pertinence économique des stratégies de transition énergétique. A quelques semaines de la votation fédérale du 9 juin sur le nouveau socle de la transition énergétique, frottons donc l’EROI aux divers projets de loi proposés par le conseiller fédéral Albert Rösti. Il était une fois... Lorsque des prospecteurs de la Serena Oil Company ont découvert l’or noir à Titusville, en Pennsylvanie, en 1859, ils l’ont extrait à un peu plus de 18 mètres. Chaque baril de pétrole utilisé pour alimenter le processus d’extraction lui-même produisait environ 100 barils de pétrole, soit un retour énergétique sur investissement (EROI) de 100. Depuis ce ratio n’a fait que baissé. Aujourd’hui il n’est pas rare de forer à 5’000 mètres, et dans des cas extrêmes, le pétrole est extrait à une profondeur de 11’000 mètres dans des conditions les plus hostiles de la planète, sous des températures torrides et des pressions atmosphériques écrasante. L’EROI est de 5 ! Toutes les réserves d’énergie fossiles, pétrole, gaz, charbon, par nature, se raréfient, alors que les besoins énergétiques augmentent et que le passage au tout électrique est l’enjeu de la votation du 9 juin. Mais comme nous l’explique Léon Thau, «un EROI d’au moins de 11 est nécessaire pour maintenir une croissance économique soutenue dans une économie moderne. Le problème des énergies renouvelables est très loin de ce niveau. Même s’il s’améliore avec les progrès techniques et la production de masse de panneaux solaires et d’éoliennes, il n’a rien de comparable avec les énergies fossiles». De plus elles sont intermittentes et aléatoires. Selon plusieurs études, l’EROI de l’électricité solaire photovoltaïque en Espagne, pays particulièrement ensoleillé, passe d’environ 8 à seulement 2 quand on prend en compte les variations de production. L’EROI éolien varie entre 16 et… 3,9. «Une étude publiée par des chercheurs de l’université de Valladolid estime qu’une transition vers une électricité 100 % renouvelable à l’horizon 2060 ferait passer l’EROI du système énergétique mondial d’un niveau actuel de 12 à 3 au milieu du siècle, avant de remonter pour se stabiliser à 5. Autant dire que 100 % d’électricité renouvelable est une chimère». Rappelez-vous la petite fille dans le préau de son école : - C’est même pas vrai ! |