| | Éditorial Fédérer ! Cela pourrait être notre nouveau slogan. Le CENAC, dûment stimulé par la Fondation Charles Léopold Meyer pour le Progrès de l'Homme (FPH), qui nous soutient fortement, se donne plus que jamais pour but de réunir tous les mouvements qui œuvrent par la non-violence à l'amélioration de notre société. C'est notamment le cas à nos yeux d'Objectif climat, coalition d’organisations de la société civile intéressées à protéger le climat et la biodiversité dans le principe de la justice sociale. Ils partagent dorénavant nos locaux de la rue de Genève 52, à Lausanne, où iels ont été bien accueilli-e-s par nos colocataires du Site 52, dont Swissaid ; ce n'est seulement la rationalité économique qui a présidé à cette démarche, mais tout autant la volonté de nouer des contacts plus étroits. Nous réfléchissons aussi à la manière de mieux collaborer avec le Mouvement international de la réconciliation (MIR), dont les buts sont analogues aux nôtres et dont la branche suisse semble avoir besoin d'être revivifiée ; un de ses slogans, repris de Stéphane Hessel, est : "Le futur appartient à la non-violence". Le domaine de la formation permet aussi de créer des liens. Par exemple, nos contacts fréquents avec les Amis pour la Non-Violence, à Neuchâtel, nous offre l'occasion d'échanger, bientôt peut-être davantage, à ce sujet. De son côté, le mouvement act now (anciennement Renovate Switzerland) a lancé une Académie de la non-violence à l'usage des militant-e-s du climat, avec l'appui remarquable de Resilient Upraising, "institut mondial de formation pour ceux et celles qui façonnent les mouvements de demain". C'est surtout FormAction qui depuis 2002 constitue un vivier de formateurices à la non-violence très proches du CENAC ; le livre qui est issu de son équipe est présenté ci-dessous dans nos "Brèves" et retiendra sans nul doute votre attention. Notre bibliothèque, dont la plus grande partie se trouve désormais hébergée par celle de La Chaux-de-Fonds essaime celle du CIRA, avenue de Beaumont 24, à Lausanne, qui compte 20'000 titres, a repris nombre d'ouvrages que nous avions à double ; toutefois, l'essentiel demeure dans nos locaux lausannois. Nous cherchons à resserrer nos liens avec les pouvoirs publics, tant il importe que la non-violence infuse dans l'action étatique et se diffuse par elle dans tous ses secteurs et à tous ses échelons (Confédération, cantons, communes). Vous lirez plus loin que l'avancement réjouissant du projet de charte de la bienveillance administrative dans le canton de Vaud va dans ce sens. Non moins satisfaisant est le constat que les milieux juridiques sont à leur tour de plus en plus intéressés par l'approche de la non-violence face aux discriminations. C'est ainsi que le Groupement européen des magistrats pour la médiation et la conciliation (GEMME-Suisse) organise un colloque (ouvert à tou-te-s) du 26 septembre 2025 à Lausanne sur le thème "Droit pénal et modes de résolution amiables : une montagne (in)franchissable ?" (Programme 26 septembre 2025). Quant au CEDIDAC, centre de formation, d’organisation de conférences, de recherche et de documentation fondé en 1985, lié à l'Université de Lausanne, d'abord axé sur le droit de l’entreprise, il s'ouvre désormais aussi au droit des discriminations. Réveiller ! Ce mot fort, repris d'un article éclairant de l'ancienne conseillère nationale Anne-Catherine Menetrey (" Le combat des endormis contre les réveillés", (Le Courrier, Chroniques, vendredi 13 juin 2025, p. 4, et en ligne jeudi 12 juillet 2025) est au centre de son appel à ne pas relâcher notre effort dans la lutte contre les discriminations, mise en cause par les tenant-e-s du "néologisme fumeux" de "wokisme". Soyez-en assuré-e-s : il y avait déjà tant à faire pour une société plus juste avant que les idéologues "antiwokistes" ne pointent le bout de leur nez, appuyé-e-s par les autocraties montantes ou nouvelles, que nous avions mis déjà ce combat au centre de nos préoccupations ; l'attaque frontale contre les libertés les plus élémentaires qui a surgi un peu partout ne saura que renforcer notre détermination. Sans violence mais avec énergie.  Nous ne saurions terminer cet éditorial sans évoquer la situation internationale catastrophique, à Gaza (otages non libéré-e-s, famine, annexion territoriale programmée et anéantissement en cours), en Ukraine (guerre stupidement suscitée par l'arrogance occidentale et agression russe ayant déjà conduit à un million de morts), au Soudan, au nord du Congo. Il y a certes peu à attendre dans l'immédiat, dans un contexte de montée des dirigeants agressifs çà et là dans le monde, mais nous voulons espérer que la politique de civilisation, pour utiliser un concept d'Edgar Morin, finira par reprendre le dessus. Nous y travaillons à notre échelle.  Heureusement que le très beau texte de Christophe Gallaz qui suit immédiatement nous redonne courage.  Lisez-nous en continu ou par petites touches, au gré de vos envies et intérêts.  Et ne manquez pas d'admirer en entête de cette lettre notre nouveau logo. Notre identité visuelle a été renouvelée grâce à la créativité de Clara Batllori.
Bonne lecture et Ă bientĂ´t ! |
| | |  Christophe Gallaz, écrivain, chez lui, à Lausanne, le 27 mars 2025 - © Noura Gouper pour Le Temps |
| | Éloge de l'opposition radicale, implacable et douce. Par Christophe Gallaz
Été 2015. Trump reste en tête du cortège vers le pire. Puis viennent ses suiveurs fascistes et mafieux, escortés par la nébuleuse de leurs petits condisciples en quête d’un exemple d’une tutelle. Nous sommes aux États-Unis qui ne sont pas l’« Amérique », comme on le sait, mais aussi dans ces replis de l’Europe et du Moyen-Orient où de petits autocrates font leur gymnastique quotidienne au rythme des invasions militaires et des missiles. Quelle bande et quelle scène ! Les balayer du regard au gré des actualités médiatiques me fait songer aux premiers incendies forestiers de la saison que nos atteintes à l’environnement naturel ne cessent plus d’aggraver, et qui parachèvent sa destruction de la Grèce à l’Espagne en passant par la France ou la Californie, ou l’Australie. Mêmes rougeoiements à l’horizon, en effet, et mêmes effets de sidération sur leurs spectateurs planétaires doublement marqués. Les voilà saisis d’une angoisse fébrile, bien sûr, mais aussi figés dans une attente presque fascinée. Exactement comme s’ils guettaient inlassablement, avec une espèce d’avidité, la suite des événements. Ah, descendre au fond de la catastrophe comme on plongerait jusqu’au plancher d’une piscine, pour en remonter d’un coup de talon et se sentir animés, alors, d’une rage plus décisive contre les massacreurs du Vivant ! Contre ceux qui bousillent les principes du savoir-vivre ensemble !Et les protocoles de la bienveillance ! Et ceux du droit qui les régissent ! Ou faudrait-il rester massivement pétrifiés ? Comme cet « homme des villes » évoqué par Julien Gracq voici dix-neuf ans, dans son texte intitulé Plénièrement ? Qui le décrit « dévoré jusqu’à l’angoisse par le besoin de le devenir davantage, et de s’en remettre avec délices à la pression collective qu’il met toutes ses facultés de discernement à anticiper de plus loin (…) »?
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Ainsi vont nos oscillations mentales que nous tentons désespérément de structurer à force de lectures essayistes ou scientifiques, en nous gavant de leurs références presque aussitôt déposées sur nos monceaux personnels de compost intellectuel et civique. Mais que faire ? Comment nous transformer en vue d’une action précise, ou d’agissements au moins fragmentaires ou périphériques ? Comment inviter nos congénères au geste salutaire, notamment celui d’élire plus pertinemment les postulants ou les postulantes à l’exercice du pouvoir ?  J’y pensais justement l’autre jour. En me disant qu’il faudrait commencer par choisir le mode de la non-violence, bien sûr. Mais à la condition de ne pas la concevoir en version molle, c’est-à -dire de ne pas s’instituer en pouf victimaire d’autant plus vertueux qu’il se laisserait cabosser sous les coups de l’adversaire. Non, le programme possible est plus musclé. Et plus subtil. Il s’agirait pour chacun de fédérer ses perceptions personnelles. De les accorder pour en faire un sentiment synthétique. Une impression pouvant s’ériger en contre-pouvoir.
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Commencer par observer, par exemple, que cent kilomètres d’autoroute ne piègent plus guère, en cet été 2025, le moindre insecte sur le pare-brise de nos voitures. Puis supposer que cette circonstance suggère un effondrement généralisé du Vivant non humain. Puis faire la première l’hypothèse que cet effondrement est partiellement causé par la prolifération des consommateurs que nous sommes vous et moi. D’où la massification des productions agricoles et subséquemment des pesticides. Puis continuer. Faire la seconde hypothèse dans la foulée. Supposer que cet effondrement est tout autant causé par les organisations faîtières professionnelles qui soutiennent le secteur agricole à l’échelle industrielle, avec l’aide des lobbies à la manœuvre au sein des enceintes parlementaires. Et pour finir, relier la disparition des insectes sur les pare-brise et les positions de l’extrême droite en matière d’environnement. En se rappelant les décisions que le fasciste et mafieux Trump a déjà prises en ce domaine. Puis se rappeler la préférence électorale envers le même Trump avouée l’autre semestre par le conseiller fédéral Albert Rösti de l’UDC.* *** Autrement dit, mes chères et chers, faire de soi-même un système d’approche multisensoriel de notre époque et de ses puissants. S’habiter de manière plus orchestrale. S’établir face aux destructeurs du monde comme leur opposition mieux déployée, mieux enracinée, plus finement fondée. Comme leur opposition la plus radicale, aussi, la plus implacable et pourtant la plus douce. D'autant qu'elle est nourrie d’intuitions plus transversales. Par exemple, jusqu’ici, tu n’aurais jamais supposé de proximité fondamentale entre les grands poètes et les grands citoyens. Or voilà que tu relis cette phrase de Rainer Maria Rilke écrivant, dans ses Lettres à un jeune poète publiées pour la première fois en 1929. Il y dit que « Toutes les choses terrifiantes ne sont peut-être que des choses sans secours attendant que nous les secourions ». Porter secours à ce qui fait peur : renversement du schéma qui nous détermine usuellement. Puis tu relis le discours que Martin Luther King prononça le 28 août 1963 devant le Lincoln Memorial à Washington, son fameux I have a dream, pour y plaider que « le merveilleux esprit militant qui a saisi la communauté noire ne doit pas nous entraîner vers la méfiance de tous les Blancs ». Et pourquoi ? Parce que beaucoup de nos frères blancs (…) ont compris que leur destinée est liée à la nôtre ». Concevoir des adversaires comme des frères renversement pareil au précédent. *** Pour finir : amené par l’absence des insectes sur ton pare-brise aux affinités sublimes qui solidarisent Martin Luther King et Rainer Maria Rilke, tu t’en trouves fortifié. Inébranlable. Et même inlassable. Au point de partir enfin au lent assaut de tous les brutaux, de tous les prédateurs, de tous les dévastateurs et de tous les criminels qui t’accablent. Mais san s dégainer d’arme — tu l’es devenue. |
| | | | Soirée annuelle du CENAC (vendredi 5 septembre 2025 dès 17 h 30, au Théâtre de Vidy), papillon d'invitation en annexe  RÉSERVEZ LA DATE du vendredi 5 septembre 2025 pour une nouvelle SOIRÉE CENAC et FÊTE DE LA NON-VIOLENCE (oui, elle doit aussi être joyeuse) : elle sera consacrée à la question Violences aux personnes queers : quelles politiques publiques ? avec projection du film Les Reines du drame, d'Alexis Langlois, et, là aussi, une table ronde réunissant des intervenant-e-x-s très qualifiée-e-x-s. Même si depuis quelques décennies l'homosexualité a bénéficié chez nous un progrès remarquable de son acceptation sociale, dont témoigne la multiplication des "marches des fiertés", force est d'observer que de résistances, minoritaires mais violentes à des degrés divers, se font jour de plus en plus. Et une autre vieille question, celle du transgenrisme, restée longtemps ignorée ou occultée, apparaît aujourd'hui comme une réalité, délicate, à aborder, ne serait-ce que parce qu'elle soulève des enjeux de santé publique : notamment, es personnes transgenres (queers), sont aussi la cible de discriminations et violences, tout en vivant une situation très complexe, pour les intéressé-e-x-s5t comme pour leurs proches, voire pour toutes les personnes tierces dont cette réalité déstabilise sans doute l'identité. Le thème fait aussi de travaux juridiques au CEDIDAC (Centre de formation, d’organisation de conférences, de recherche et de documentation) de l'Université de Lausanne, très engagé dans la promotion de l'égalité et la lutte contre toutes les formes de discrimination, y compris le sexisme et les atteintes aux LGBT+. Lors de la dernière session du Conseil des droits de l’homme (CDH) des Nations Unies, un accent particulier a été placé sur la promotion des droits des femmes et de l’égalité de genre, ainsi que sur les droits des personnes LGBT+.  |
| | | Une autre soirée : à propos du conflit israélo-palestinien Et le dimanche 5 octobre 2025, nous prévoyons une manifestation conjointe avec l'association Coexistences et la LICRA-Vaud afin de présenter le film Résister pour la paix, des réalisatrices française et marocaine Hanna Assouline et Sonia Terrab, l'une juive, l'autre musulmane, sur les Guerrières de la paix, qui ne se résignent pas et œuvrent à rapprocher Israéliens et Palestiniens. Il s'agit d'un exemple, certes minoritaire, illustration de ce que l'esprit de civilisation des rapports humains, fût-ce les plus tendus, peut apporter. Dans la même veine le pape Léon XIV déclare que l’Église doit « ouvrir les frontières » et rejeter l’« état d’esprit d’exclusion ». Au moment où nous sommes horrifié-e-s par les tueries et prises d'otages du 7 octobre et par l'écrasement de la population de Gaza, qui s'ensuit sans discontinuer depuis près de deux ans, sans parler du répugnant commerce d'armes de guerre, qui se nourrit de tels conflits, nous avons un urgent besoin d'exemples aux antipodes de cette cruauté inouïe. Surtout qu'elle importe chez nous antisémitisme et détestation des musulman-e-s, deux formes de racisme particulièrement répugnantes. |
| | | Vie de notre association Le CENAC est désormais organisé avec un comité plénier comportant les professeurs Dominique Bourg et Jacques Besson (qui a démissionné pour une raison personnelle), l'écrivain et chroniqueur Christophe Gallaz, la thérapeute de couples et familles, conteuse et écrivaine Marie-Claire Cavin Piccard, ainsi que les membres d'un bureau du comité : Marie Schaffer-Wyler, Nathalie Caruel (qui s'occupe en particulier du projet Antidote et des formations), Michel Monod, Éric Voruz, Jérémie Schaeli et Luc Recordon (chargé de la communication); Marie-Claire Cavin Piccard a assisté aux séances du bureau ces derniers mois, tout comme - momentanément - deux personnes qui se sont intéressées au CENAC (Céline Marti et Fabrice Rosselet) : leur collaboration a été précieuse et nous leur en sommes très reconnaissant-e-s. À l'instigation de la Fondation Charles Léopold Meyer pour le progrès de l'Homme (FPH), qui nous accorde un soutien sans faille, nous avons donné dès le début de 2025 un élan très accru à notre fonction fédératrice des différents mouvements s'engageant pour la transition climatique ; à l'heure où elle tend à être négligée voire délaissée, malgré les événements qui en montrent chaque jour davantage la nécessité, il est crucial que les forces ne se dispersent pas. C'est ainsi qu'avec plaisir nous avons pu conclure un partenariat avec Objectif Climat Vaud regroupant trente-sept organisations actives sur cette problématique : depuis avril 2025 nous partageons les locaux du CENAC, par moitié, avec ce partenaire. Rappelons que nous avons déposé lors d'un événement, le 11 juin 2024 à Berne, une pétition «10 demandes pour Gaza » pour que toutes les personnes détenues illégalement soient relâchées, que la Suisse fasse beaucoup plus pour cette région, en appelant au cessez-le-feu, en dénonçant toutes les atteintes aux droits humains, en rappelant les Conventions de Genève, et en réclamant des enquêtes indépendantes et l’organisation d’une conférence de paix. Plus d'un an après, les autorités fédérales ont fini par répondre par une sèche non-entrée en matière, au moment même où la famine s'installe à Gaza et où les négociations pour la libération des otages et pour la cessation du massacre piétinent ... Parmi nos projets phares, citons : - Antidote, composé de formations de base dans le secteur scolaire postobligatoire - écoles professionnelles, gymnases et écoles privées - et ensuite de courts films (romans-photos audio) réalisés par les élèves intéressé-e-s, projet pour lequel nous avons bon espoir d'une prochaine mise en route ; - une politique cantonale vaudoise (et, espérons-le, dans d'autres collectivités publiques de Suisse romande) de la non-violence, qui prend pour l'instant la forme d'une future charte de la bienveillance administrative, dont l'idée émane de Kyril Gossweiler, qui en parallèle de nos propres interventions en la matière depuis 2019 auprès du gouvernement vaudois a convaincu le Grand Conseil unanime de la pertinence de sa démarche : un groupe de travail, où nous sommes invité-e-s, du département pilote - le DJES (jeunesse, environnement, sécurité, sous l'égide du conseiller d'État Vassilis Venizelos) - y travaille depuis plusieurs mois. C'est ici le lieu de souligner le travail considérable et précieux qu'accomplit le Bureau cantonal de médiation administrative (BCMA) : on consultera avec profit son rapport annuel. D'autres idées ont germé et vont nous amener à une réflexion. - Le CENAC ne devrait-il pas développer une activité d'observation de manifestations au moment où la liberté d'expression subit de sérieuses entraves ? - Le rôle, toujours plus nécessaire, de personne de confiance en entreprise (apte à recueillir confidentiellement les propos de travailleur-se-s maltraité-e-s) ne constituerait-il pas lui aussi une piste à suivre ? - La reprise de nos cafés-débats sur la violence et les réponses non-violentes, à Lausanne, au Centre culturel des Terreaux (qui va bientôt rouvrir après des travaux de rénovation). Mais nous n'oublions pas notre cycle de manifestations annuelles : après la très belle exposition sur la lutte contre le racisme en juin 2022, nous nous réjouissons du très vif succès de la soirée du 1e décembre 2024 au Théâtre de Vidy, avec la projection d'Un paese di resistenza (de Shu Aiello et Catherine Catella) sur l'accueil des migrant-e-s par le maire de Riace, Mimmo Lucano, harcelé par la justice de son pays (et largement tiré d'affaire depuis mars 2025), un film qui passe maintenant dans les salles de Suisse romande; non moins intéressante aura été la table ronde qui a suivi, sur Les ressorts de la violence, entre Camille Perrier Depeursinge, Jacques Besson et Dominique Bourg, animée par la journaliste Manuela Salvi, avec un intermède apprécié sur une approche pratique de la non-violence, par deux de nos formateur-rice-s, Guénola Ricard et Jérémie Schaeli; vous lirez plus bas un compte-rendu de la table ronde. Nous vous attendons aussi nombreux et nombreuses au même endroit le vendredi 5 septembre dès 17 h 30 pour une réflexion sur la violence faite aux personnes queers et sur les politiques en la matière. L'année prochaine, c'est un autre thème qui sera au programme d'une nouvelle soirée portant sur une autre forme de violence ou de discrimination ; nous songeons à celui toujours plus préoccupant des atteintes croissantes portées aux femmes, allant jusqu'au féminicide. Les domaines touchés par la violence sont légion (voir plus bas), de sorte que les années suivantes les thèmes ne manqueront (voir plus loin une liste de domaines touchés). |
| | | Armée, objection, service civil Sujet prioritaire du CENAC, au temps où nous nous appelions Centre Martin Luther King, l'objection de conscience redevient très actuelle, hélas en lien avec les atrocités qui se commettent de plus en plus, notamment en Ukraine et à Gaza. Nous cultivons des liens avec plusieurs organisations qui, sur le plan international, se déploient afin de faire pièce à l'esprit militariste qui croît un peu partout dans le monde. Heureusement, on trouve des courageux-ses en Israël, Ukraine, tout comme en Russie, notamment. Même dans la Syrie, déchirée dans tous les sens, la résistance non-violente s'est manifestée. En Suisse aussi, le thème revient à l'ordre du jour, pas dans la bonne direction : le Conseil fédéral veut réduire le nombre d’admissions au service civil, on avance vers l'idée de civilistes pour renforcer la Protection civile (ATS via 24 heures, mercredi 12 mars 2025, p. 13s), il est question d'une "Journée d’information obligatoire pour les femmes". Lors de ses séances des 12 et 13 mai, la Commission de la politique de sécurité du Conseil national s'est prononcée en faveur de la révision de la loi sur le service civil. Six propositions de mesures en remettent en cause la base même. Le projet n'est pas du tout dans l'intérêt public, ce d'autant moins que l'alimentation de l'armée en soldats est garantie. Lors de sa séance du 5 juin 2025, le Conseil national a pourtant suivi sa Commission de la politique de sécurité et a soutenu, par l'adoption d'une motion, l'introduction immédiate d'une obligation de servir dans la sécurité. CIVIVA rejette le projet et envisage un référendum ; le cas échéant, le CENAC s'y associera. Par ailleurs, la Suisse ne devrait pas introduire de service citoyen : tous les partis, sauf le PVL, recommandent le rejet de l'initiative populaire "pour une Suisse qui s'engage" (initiative Service citoyen) ; des élu-e-s isolé-e-s plaident pour son adoption. Il est vrai que cet engagement volontaire ne doit absolument pas passer par une obligation; c'est aussi l'avis du CENAC. L'ouverture facultative aux femmes est soutenue par le CENAC, mais reste un projet stagnant. |
| | | Que de domaines touchés par la violence ! Quelles réponses ? La violence se manifeste sur les terrains les plus variés. Son expression et ses causes sont multiples elles aussi. Devons-nous prioriser certaines qui seraient plus graves que d’autres ? La liste de plusieurs situations récentes et de quelques réponses que nous avons cherché à apporter est éloquente. Comme Sisyphe poussant son rocher, nous continuons à nous occuper de toutes dans la mesure de nos moyens, au moins en assurant une veille, mais également en organisant régulièrement des événements sur les différents types de violence.  - Le Rapport sur le racisme 2024 en Suisse fait état de près de 40 % de cas traités supplémentaires en un an. En pareille situation on se demande toujours si c'est parce qu'il y a plus de dénonciations ou plus d’atteintes ; peut-être un peu les deux, mais,, rien n'indiquant que la parole se soit beaucoup libérée ces douze derniers mois, il faut craindre que la deuxième hypothèse soit exacte. Quant à la Commission du Conseil de l’Europe contre le racisme et l’intolérance (ECRI), elle appelle par exemple les autorités suédoises à s’attaquer au discours de haine et aux risques de profilage racial, ainsi qu’à redynamiser le rôle de l’enseignement en tant qu’outil permettant de mieux vivre ensemble dans des sociétés interculturelles.
- La violence institutionnelle reste un souci. Il y a de bonnes nouvelles, telle que la révision prévue de la Loi sur les étrangers et l’intégration (LEI) prévue par l’initiative parlementaire « La pauvreté n’est pas un crime », qui vise à rendre plus difficile la révocation d’un permis de séjour ou d’établissement pour les personnes étrangères bénéficiant de l’aide sociale (informations). Aux États-Unis, face au traitement inouï réservé aux migrant-e-s, William Barber, coprésident de la campagne Poor People's, un mouvement national a été relancé contre les inégalités sous toutes leurs formes, par la contestation morale et le changement politique. On compte aussi de mauvaises nouvelles : un article au titre très parlant, " Le système pénal punit la pauvreté ", par Lorenz Naegeli et Jennifer Steiner (Le Courrier, Agora, lundi 21 octobre 2024, p. 2, et en ligne dimanche 20 octobre 2024) l'illustre. La Prof. Julie de Dardel, directrice du projet Décroissance carcérale de l’Université de Genève, financé par le Fonds national suisse, présente depuis peu un rapport sur la surpopulation carcérale en Suisse romande, en particulier dans le canton de Vaud. Une raison supplémentaire de travailler à des réponses par la bienveillance administrative, mais aussi à se poser des questions alors que le constat devient lancinant : la justice romande est plus portée sur l'incarcération que celle d'ailleurs en Suisse.
- La violence économique est omniprésente dans les pays du Sud : tout récemment encore, on signalait des exactions contre des communautés autochtones en Colombie, qui s'opposaient à un projet piloté par Glencore, multinationale basée en Suisse.
- En médecine et singulièrement en psychiatrie, le problème de la violence est bien connu. Maintenant ce sont des soignant-e-s qui se font agresser (voir notamment "De plus en plus de cas. En Suisse, le racisme gangrène la santé" + éditorial, par Dimitri Mathey (24 heures, mercredi 29 juillet 2025, p, 11, et en ligne à 6 h 36)). Comment pourrions-nous contribuer à un apaisement dans ce secteur ?
- À l'école aussi, le phénomène prend une grande ampleur : outre les armes blanches de plus en plus nombreuses, c'est la violence psychologique qui s'étend : " « Toute la classe s’est retournée contre moi ! ». Comment le fléau du harcèlement entre élèves se répand en Suisse ", par Stéphanie Arboit (Le Temps, samedi 22 mars, p. 2s et en ligne à 17 h 01). Notre projet Antidote tend à déployer un instrument de réflexion et d'action du corps enseignant et des élèves du niveau post obligatoire. Il n'y a pas (encore ?) eu en Suisse d'enseignant-e-s poignardé-e-s, mais le phénomène d'"ultraviolence" nourri par toutes sortes d'émotions négatives (colère, tristesse, angoisse) se retrouve désormais à nos frontières ; le canton de Vaud pérennise son dispositif de lutte contre la radicalisation et l'extrémisrne violent (https://www.ohchr.org/fr/terrorism).
- Dans le sport, cela déborde hors des stades, surtout de football ; si les fumigènes causent le désagrément d'empêcher la vision des matches, en général sans provoquer d'atteintes graves (encore qu'un supporter se soit fait lourdement condamner pour une mise en danger de la vie d'autrui commise dans un stade), il n'en va pas de même avant et après les rencontres, dans les rues, où des heurts et déprédations sont fréquents. La face claire - quelques gestes admirables sur le terrain - et la face sombre - des brutalités d'une partie du public - font de ce sport très suivi un cas à part. Violence érotisée, comme l'évoquait l'un des participant-e-s à notre table ronde du 1e décembre 2024 ? Il y aurait lieu de creuser les raisons de cette particularité, afin d'esquisser des solutions ; avec l'Institut des sciences du sport de l'Université de Lausanne (ISSUL) ? Avec les groupes de supporters (ce que nos compatriotes alémaniques appellent "Fanarbeit") ?
- Dans les transports, ce sont souvent les syndicats qui se mobilisent : "Sécurité du personnel. La violence n’est pas un titre de transport", par Chantal Fischer (Journal SEV, Actualité, jeudi 17 avril 2025). Mais jusqu'à maintenant on ne voit guère de réponses autres que sécuritaires. L'Office fédéral des transports pourrait-il devenir un interlocuteur en la matière ?
- Le narcotrafic en France (Marseille, Poitiers, Grenoble, etc.) suscite toujours plus de violence. La Suisse reste épargnée ... pour l'instant. Alors que l'on craint la liaison croissante entre trafic de drogue et trafic d’influence, sous l'effet du crime organisé, ce risque ne semble pas du tout pris en compte. Hormis l'interpellation en bout de chaîne de quelques dealers, avec des suites parfois dramatiques, l'action publique semble inefficace. Ne serait-il pas temps de songer à des Assises sur ce sujet, avec des addictologues, des policiers, des magistrat-e-s, des représentant-e-s de la migration (puisque les dealers sont facilement recruté-e-s parmi les migrant-e-s désargenté-e-s) ? Sans parler d'une discussion ouverte sur les interpellations brutales et sur la bonne application du principe de proportionnalité.
- La violence contre les queers apparaît au grand jour. Récemment, des bénévoles du Cinématographe ont été agressés lors de la projection du film «Queer» de Luca Guadagnino. Notre soirée du vendredi 5 septembre 2025 posera la question des politiques publiques à mener pour y remédier et aider chacun-e-x à se confronter sereinement aux interrogations, pas faciles à aborder dans notre société, à ce sujet.
- La violence dans l'enfance et l'adolescence sont des thèmes traités depuis une trentaine d'années. Des éléments de réflexion ressortent du livre de Caroline Dayer "(Le silence tue. Face aux violences, comment (ré)agir" (Avignon,.La Tour d’Aigues, Éditions de L'Aube, 2025).
- Dans une perspective proche, les violences sexuelles, on lira l'article "Gagner du terrain", de Nadia Boehlen (Le Courrier, Chroniques, jeudi 14 mars 2025, p. 2 et en ligne).
- L'association VIOLENCE QUE FAIRE, (contact@violencequefaire.ch) offre un appui face aux cyberviolences et aux violences psychologiques en couple. Que c'est bienvenu au moment où des meurtres dans un tel contexte font voir le manque de structures d'accueil et d'hébergement des femmes victimes de violence domestique. Près de vingt féminicides ont eu lieu en Suisse depuis le début de 2025.
- De manière générale, comme on l'a encore vu récemment dans le Minnesota (États-Unis) où une élue a été tuée, "Le «brutalisme» s’étend" (pas au sens architectural du terme), pour reprendre le titre d'un article de Thierry Jacolet (Le Courrier Société, jeudi 9 janvier 2025, p. 10, et en ligne mercredi 8 janvier 2025), interviewant la philosophe Cynthia Fleury : au travail, dans la rue, en politique, elle observe une poussée de l’extrémisme par le verbe et par les actes comme "moment régressif". Chez nous, ce sont les agressions à domicile (le "home jacking") qui apparaissent (voir "«Home-jacking» à Échallens. Une femme menacée au couteau dans son logement par un cambrioleur", par Claude Beda (24 heures mercredi 31 juillet 2025, p. 7, et en ligne mardi 30 juillet 2025à 15 h 47). La nuance, le réapprentissage des valeurs de civilité, d’empathie et de décence commune sont primordiaux à ses yeux. Le programme résumé du CENAC en somme ... et à mettre en œuvre !
- La violence dans l'enfance et l'adolescence sont des thèmes traités depuis une trentaine d'années. Des éléments de réflexion ressortent du livre de Caroline Dayer "(Le silence tue. Face aux violences, comment (ré)agir" (Avignon,.La Tour d’Aigues, Éditions de L'Aube, 2025).
- Et, last but not least, la violence de rue et sur les réseaux sociaux augmente elle aussi. Une bande a été condamnée à Vevey : elle allait jusqu'à filmer ses agressions pour ensuite les diffuser sur les réseaux sociaux (24 heures, jeudi 10 juillet 2025, p. 6).
 Face à cette triste série, faut-il parler de « phobismes » ? C'est-à -dire de fixation haineuse sur des personnes et des caractéristiques (couleur de peau, appartenance à tel groupe, genre, opinions, etc.) de manière à se sentir exister et croire dominer ou au moins répondre (inadéquatement bien sûr) à ses colères, ses tristesses, ses angoisses. C'est sans doute un peu simple, mais c'est une piste dans bien des situations : aider celui ou celle qui se sent mal considéré-e à recouvrer l'estime de soi sans se démarquer par l'atteinte à l'autre. Il y a également la violence sans cible prédéterminée pour exhaler son mal-être ou déployer sa perversion. À un stade plus avancé, apprendre à répondre par la dérision, l’humour (l’ironie socratique), la litote, plutôt que par l'agression, fût-elle verbale ?
Et pour clore provisoirement cette discussion, recommandons "Puissance de la douceur", d'Anne Dufourmantelle (Paris, Payot, 2013). |
| | | Les ressorts de la violence Des notes prises lors de la table ronde de la soirée du 1e décembre 2024 au Théâtre de Vidy, nous avons tiré quelques observations et aphorismes des trois personnalités qui s'y sont exprimées, Camille Perrier Depeursinge, Jacques Besson et Dominique Bourg, et ont répondu aux questions de l'assistance, le tout sous l'égide de la modératrice, la journaliste radio Manuela Salvi. Nous les avons entremêlées, sans en citer l'auteur-e, pour les regrouper autant que possible suivant des thèmes communs : les sources et l'évolution historique de la violence humaine jusqu'à l'extrême, ses dimensions mentales, ses formes, notamment institutionnelles ou économiques, mais aussi le contrepoison du lien à (re)créer et de la lutte pour tendre vers la "règle d'or". Nous avons ajouté çà et là de brèves observations de notre cru, entre crochets avec la mention NdR. Il existe une violence hors de l'être humain ("les éléments naturels"), mais la sienne peut impliquer trois sortes d’atteintes : aux biens, à l'intégrité physique des personnes et à leur mental (atteinte morale). La guerre rend le mal omniprésent. Le maximum - dans un certain sens - dû à la physique est la bombe H (thermonucléaire), totalement destructrice. Prenons garde aussi à la dérive des sciences et techniques, qui, lorsqu'elles se muent en philosophie dérivent, car elles deviennent alors purement matérialistes [NdR : voilà qui fait penser à Jacques Ellul]. Ce qui est frappant, c'est que les sociétés paléolithiques ont suivi des chemins parallèles souvent sans nulle connexion entre elles, jusqu'à l'apparition de l'agriculture, qui réalise la première ébauche de domination de la nature [NdR : voilà qui fait penser à Philippe Descola]; le Néolithique commence à structurer cette domination. Relevons la tendance syncrétique, plutôt pacifiante, des polythéismes et celle inverse, clivante, des monothéismes. Il y a de rares sociétés où l'on ne punit pas le ou la criminel-le, alors que le "surplomb" des monothéismes amène à condamner de telles personnes. Quant au peuple des Kogis, il nous montre comment faire pour ne pas nous prendre pour des dieux. Dans le cycle actuel du réchauffement climatique, la valeur moyenne de + 2° C ne sera probablement pas dépassée ... parce que, au fur et à mesure qu'on en approchera, le système industriel s'autodétruira à un point tel qu'il ne pourra plus continuer à produire des processus assez délétères pour susciter une augmentation très forte des GES (gaz à effet de serre) ; la bêtise humaine freinera volens nolens la croissance malfaisante. Par ailleurs, l'analyse des moteurs de cette situation doit comprendre, outre le rôle évident du néolibéralisme, celui de la technicité débridée : Descartes et surtout la physique de Newton ont conduit à cette illusion que le monde n'était que matériel et que sa domination était illimitée [NdR: voilà qui refait penser à Jacques Ellul et, a contrario, au démon de Laplace, qu'il appelait intelligence ...], ce qui a progressivement désincarné notre société. Le capitalisme renvoie à une image de l'ère mosaïque, le Veau d'or, et celle - chrétienne - de Mammon ; la carte bancaire moderne ne serait-elle pas un exemple de "commerce avec la bête" (désignant un futur leader puissant, in Apocalypse 13:17) ? Le crime absolu consisterait en la destruction de l'habitabilité de la Terre. Cela correspond à une intervention "diabolique", au sens étymologique (diabolos = "le grand diviseur") et se traduit déjà par la destruction du langage, du sens des mots, soit la postvérité, de type trumpien. Attention cependant à éviter le manichéisme : on peut se retrouver tantôt du côté positif (créant ou sauvegardant du lien), tantôt du côté négatif. Le film Un paese di resistenza illustre le cas où la justice s'est au début trouvée du très mauvais côté.  La violence a des dimensions physiologiques, psychiques et civilisationnelles. Les forces de la déraison vont chez certaines personnes jusqu'à érotiser la violence ; toute boussole est perdue ; on rencontre des situations de pédophilie (qui souvent sont le fait de prêtres par ailleurs de qualité) ou de chefs d'État dévoyés (Poutine, Orban, Netanyahou, etc.) : la perversion tient alors précisément à ce que la violence est érotisée. C'est le lieu d'une aspiration à la toute-puissance luciférienne qui est en marche. Son but est de prendre, non de donner. Il faut alors retrouver le sens, ce qui implique de rétablir le lien avec autrui. Le travail sur nous-mêmes doit tendre à accéder à la complexité, tandis que les situations d'urgence nous renvoient vers "le bas". Mais la personne humaine, cocréatrice du monde, peut se construire dans la fraternité, vers des "modèles Riace" ou kogis.  D'où l'utilité de la justice restaurative : elle tend à réparer les torts causés, non seulement sur un plan matériel, autant que faire se peut. Elle se centre - pas exclusivement - sur les victimes. Il est intéressant de noter que, même dans un cloître, on s'"invente" des crimes ; pour se sentir frères et sœurs ? Mais, certaines réponses institutionnelles ou juridiques sont encourageantes, par exemple l'action des Avocat-e-s pour le climat. La "règle d'or", qui est commune à presque toutes les civilisations est de ne pas infliger à autrui ce que l'on ne voudrait pas que l'on nous fasse ; à l'extrême, les Kogis, même massacré-e-s par des blanc-he-s, nous appellent néanmoins "petits frères". Dans notre monde, l'économie viole par principe la "règle d'or", en préconisant de vaincre sans état d'âme la concurrence ; elle fait ainsi sauter le lien. Sur un plan sociétal, le procès, même en matière civile, est chose violente et la condamnation pénale est insuffisante.  Sur un plan général, sommes-nous revenu-e-s à décembre 1932 (juste avant l'accession de Hitler à la Chancellerie du Reich) ou à 1939 (juste avant que n'éclate la Seconde Guerre mondiale) ? Voilà qui correspond aux archétypes du mal, au sens de Carl Gustav Jung. La réponse est une fois encore de tendre à restaurer le lien [NdR: écho à la parole de Martin Luther King : "Nous devons apprendre à vivre ensemble comme frères et sœurs ou nous allons périr ensemble comme des imbéciles"]; une bonne façon de trouver du sens est de résister, de s'engager [NdR: voilà qui fait penser à Jean-Paul Sartre] dans les domaines où l'on a des talents ; on se doit de lutter en particulier lorsqu'on a des enfants. Il s'agit de se transcender horizontalement, par la solidarité, et verticalement, par l'approfondissement de sa propre personnalité, notamment en luttant contre l'explosion des inégalités et contre les parodies de justice, comme celle qui se fait voir dans le film « Un paese di resistenza ».
On n'expérimente néanmoins jamais le bien sans qu'il y ait le mal "au verso" ... sauf dans certaines EMI (expériences de mort imminente). La conscience est première ; la matière est seconde. Viktor Frankl, revenu de déportation a conçu une "logothérapie", qui prend en compte le besoin de "sens ontologique". On peut semer la graine de l'espérance. Et surtout ne nous laissons pas impressionner par les brutes.
De nouveau, il faut en appeler à une "clinique du sens" et citer l'actuel Dalaï-Lama : "pas de mondialisation sans spiritualisation". Et s'occuper fraternellement de l'autre.  Face à l'emballement du système capitaliste, il faut chercher déjà des solutions locales et partielles, se construire une conscience plus forte est impératif, tout en sachant que la Terre va sans doute subir des chocs allant croissants.
Certes, peu de solutions d'ensemble qui soient réalistes apparaissent ; en revanche, il y a des pistes plus locales, comme en montre le film « Demain » de Cyril Dion (2015).
Et impliquer des économistes de demain ! |
| | | Désobéissance civile ... et au-delà ? Nous vivons un moment où, sous couvert d'"antiwokisme", l'attaque des "discriminatoires enragé-e-s" se révèle toujours plus vivace. On peut observer qu’il ne s’agit pas moins que du détricotage des acquis de ... 1789, autrement dit des libertés humaines les plus élémentaires, comme la liberté d'expression et l'égalité de traitement. Mais l'attaque porte autant sur celles qui ont été reconnues ensuite, par déduction des précédentes. Ces dernières années, nous avons constaté une poussée forte et réjouissante des droits des personnes discriminées à des titres très divers ("Black Lives Matter" et "MeToo" notamment). Aujourd'hui le reflux constitue une régression inquiétante ; non content-e-s de contrer des interprétations antidiscriminatoires jugées excessives, d'aucun-e-s s'en prennent à la démocratie et surtout à son volet des droits humains. Comme les victimes de ce mouvement abolitionniste ne se laisseront pas faire - à bon escient -, le risque est grand de voir se nouer une violente confrontation entre les deux pôles. Rappelons que la dernière période où l'on a vécu un tel choc de cultures, pour ou contre l'extension forte des libertés, suivait le bouillonnement de mai 68 ; ce furent les "années de plomb", marquées par une grande violence de gauche (Rote Armee Fraktion, Brigate rosse, Action directe) et de droite (répression féroce en Allemagne, attentat de la gare de Bologne). La violence politique criminelle ne résout rien ; on lira avec profit sur ce sujet "Passer le flambeau de l'insoumission" de Norbert Creutz (Bon pour la tête, Culture, édition du 10 janvier 2025), tout comme on regardera le film "Autour du feu" de Laura Cazador et d'Amanda Cortes, sorti en 2024. Nous voulons résister à l'agression contre les libertés sans en arriver là . Au nom du slogan "Ni hérisson ni paillasson". Lire aussi letexte roboratif de Christophe Gallaz au début de cette lettre de nouvelles. Indubitablement, la transition vers une société plus juste passe par d'autres méthodes, dont la désobéissance civile. Un intéressant exemple à ce titre est le mouvement allemand Letzte Generation ou en français Soulèvement de la dernière génération. Chez nous, le rapprochement du CENAC avec Objectif Climat Vaud (https://objectifclimat.ch/) représente un espoir du même ordre. L'exemple de Mimmo Lucano, le maire de Riace accueillant des migrant-e-s au sud de l'Italie et dynamisant son village grâce à cet apport est inspirant. À l'inverse, l'incompréhension d'une partie de nos autorités inquiète (voir à ce propos l'article de Fati Mansour "A Genève, la méga-enquête sur les activistes du climat ravive le spectre d’un profilage politique", dans Le Temps du samedi 29 mars 2025, p. 8, et en ligne vendredi 28 mars 2025 à 11 h 55). La justice n'est pas toujours cohérente non plus: il lui arrive d'acquitter des manifestants sans les dédommager dûment (voir "Injustice climatique", par Julie Jeannet (Le Courrier, jeudi 24 juillet 2025, p. 3, et en ligne mercredi 23 juillet 2025); d'autrenfois, elle est équitable (voir "Jura. Elle n’est pas coupable de solidarité", par Bathsheba Huruy (Le Courrier, mercredi 9 juillet 2025, p. 6, et en ligne mardi 8 juillet 2025)). Un important travail d'explication sur la désobéissance civile est nécessaire à cet égard. - La frontière entre violence et non-violence (est-ce le seul refus de la violence physique ou le critère est-il plus strict, p. ex. se limiter à une violence "symbolique" ?),
- Quelle est la légitimité d'assassiner un-e dictateur-rice ignoble (le cas échéant à partir de quand la personne l'est-elle « assez » pour justifier cet acte), comme Hitler, que Maurice Bavaud (grand-oncle d'une ancienne secrétaire générale puis présidente du CENAC !) a essayé de tuer en 1938 ?
- La légitimité de la défense nationale armée contre une agression militaire, où nous enregistrons des positions aux antipodes l'une de l'autre, est-elle compatible avec la non-violence ?
- Et, last but not least, quel est le critère du refus de la violence, en particulier du meurtre (éthique de l'efficacité protectrice ou éthique du respect de l'autre quel-le qu'iel soit), en se demandant si Gandhi avait raison d'affirmer qu'in extremis, s'il devait opter entre lâcheté et violence, il choisirait le second terme de l’alternative ?
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| | | Brèves Mort de Michael Kenechukwu Ekemezie lors d'une interpellation policière musclée le 25 mai dernier à Lausanne Ce ressortissant nigérian était soupçonné de trafic de drogue et aurait tenté de s'enfuir lorsqu'il a été contrôlé ; il semble avoir fait l'objet d'un placage ventral et avoir ensuite beaucoup crié de douleur. Puis, il est décédé à l'Hôtel de police. Ce nouveau cas, survenu au même endroit que l'interpellation policière mortelle en 2018 d'un autre Nigérian, Mike Ben Peter, pose la question de la proportionnalité : on ne saurait laisser se développer le deal, notamment de rue, pas davantage que le narcotrafic à grande échelle, mais n'y a-t-il vraiment pas de moyens moins dangereux d'intervention, quitte à laisser quelquefois filer un suspect plutôt que de mettre sa vie en danger ? Plus largement, cela s'inscrit-il dans une problématique de racisme structurel, un biais qui nous peut tou-te-s concerner et dont s'inquiète la Commission fédérale contre le racisme. Quoi qu'il en soit, ce dernier événement a suscité une émotion chez nous mais aussi sur le plan international.   "Résoudre nos conflits sans violence. Manuel très pratique", un livre à ne pas manquer !  Nos ami-e-s de FormAction Philippe Beck, Chantal Furrer Rey, Jérémie Schaeli et Fernand Veuthey viennent de faire paraître un ouvrage pratique et stimulant. Il se lit aussi bien en continu que par sujets choisis, pour les profanes comme pour les professionnel-le-s de la non-violence. À commander à l'adresse ci-dessus ou dans votre librairie de proximité. |
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