Réforme du chômage : ce que contient le projet de loi-programme adopté en première lecture
L’assurance chômage trouve son fondement dans l’article 7 de l’arrêté-loi du 28 décembre 1944, aux côté des autres branches de la sécurité sociale.
Toutefois, le chômage a pour particularité d’être l’unique des sept branches de sécurité sociale dont le régime juridique est régi par arrêté royal – c’est-à-dire une législation de nature réglementaire et non légale au sens strict – contrairement aux autres branches de la sécurité sociale. Cela a pour conséquence que toute la réglementation du chômage se trouve entre les mains du pouvoir exécutif et uniquement de celui-ci. Le Parlement n’a pas son mot à dire. Si les partenaires sociaux sont certes consultés, notamment via le Comité de gestion de l’ONEM, la modification de la règlementation demeure entre les mains du gouvernement. C’est à ce titre que les modifications précédentes de la règlementation chômage se sont passées dans l’ombre.
Ce vendredi 11 avril, c’est bien au Parlement qu’a été adopté en première lecture le projet de Loi-programme sur la réforme du chômage, puisque cette réforme s’attaque directement à l’article 7 de l’Arrêté-loi du 28 décembre 1944 – fondement même de l’assurance-chômage.
Si plusieurs tentatives de réformes du système d’assurance-chômage ont déjà été tentées, ce premier projet de loi-programme confirme les menaces présentées dans l’Accord de gouvernement fédéral de l’Arizona. Cette réforme s’attaque à deux grands volets : d’une part le durcissement des conditions d’accès à l’assurance-chômage (allocations de chômage et allocation d’insertion) et d’autre part, une limitation de la durée d’indemnisation – allocations jusqu’ici illimitées dans le temps.
Concernant les allocations de chômage d’une part, les travailleurs devront désormais justifier de 312 jours de travail (ou assimilés) sur une période maximale de 36 mois, peu importe l’âge du travailleur. Si la période de référence passe de 21 à 36 mois, le régime initialement différencié en fonction de l’âge du travailleur (avoir travaillé 468 jours au cours des 33 mois précédant la demande pour les travailleurs entre 36 et 49 ans ; et 624 jours au cours des 42 mois précédant la demande pour les travailleurs âgés de 50 ans ou plus), permettait aux travailleurs de plus de 36 ans d’étendre la période de référence jusqu’à 10 ans (contre 36 mois pour le nouveau régime). Désormais, le nouveau régime met tout le monde à la même enseigne – peu importe l’âge – : il faudra pouvoir justifier de 312 jours de travail sur un délai de 36 mois.
Et si désormais cette période de référence sera déjà considérablement réduite, parallèlement, la comptabilisation de la période d’admissibilité sera également plus stricte. Actuellement, un travailleur retombant au chômage dans les trois ans suivant sa dernière indemnisation peut récupérer son droit aux allocations sans devoir prouver un nouveau nombre de jours travaillés. Désormais, pour chaque nouvelle demande, il faudra systématiquement avoir retravaillé 312 jours sur la période d’admissibilité.
Concernant les allocations d'insertion, l’accès sera réservé aux jeunes justifiant de l’obtention d’un diplôme, certificat ou attestation officielle. Un premier durcissement de cette exigence avait déjà eu lieu en 2014 sous le gouvernement Michel, mais restait limitée aux moins de 21 ans. Le risque du renforcement de cette exigence est une perte progressive de jeunes hors des dispositifs d’accompagnement.
D’autre part, ce n’est pas uniquement une limitation des allocations dans le temps qui est prévue, mais également une suppression de certaines périodes jusqu’ici considérées comme « assimilées » et pouvant dès lors ouvrir un droit aux allocations. Ne seront dès lors plus assimilés : les congés maladie et les congés parentaux. Néanmoins, ces deux types de congés pourront prolonger la période de référence sur laquelle est calculé le droit à l’assurance-chômage.
Comme l’avait annoncé l’accord de gouvernement Arizona, le texte prévoit aussi des mesures « d’encouragement à la formation » : les chômeurs suivant une formation d’infirmier ou d’aide-soignant dans un métier en pénurie, avec dispense officielle, conserveront leur droit aux allocations pour toute la durée de leur formation, dans une limite de cinq ans maximum. Le texte actuel précise bien que cette exception ne s’applique qu’à ces formations. Aucune dérogation ne s’appliquerait aux autres formations telles que les métiers en pénurie ou les formations non professionnalisantes, sachant que celles-ci peuvent parfois s’étendre sur plusieurs années (alphabétisation, FLE…).
Cette proposition a un impact très important sur les OISP, sur la philosophie de la sécurisation des parcours et sur la formation professionnelle dans son ensemble. Elle pose la question de la possibilité donnée ou non aux personnes les plus fragiles de se former et d’entamer un parcours d’insertion.
La réforme actuelle prévoit certaines dérogations pour certaines catégories comme les chercheurs d’emploi ayant obtenu le statut d’artiste ou les travailleurs portuaires ou pêcheurs reconnus.
Ces dérogations posent une série de questions sur le public exclut et leur nombre.
L’entrée en vigueur de cette législation est souhaitée à janvier 2026, avec des mesures transitoires débutant dès juillet 2025, pour permettre notamment aux CPAS « de gérer le flux ».
À côté du nombre de personnes qui vont soit se retrouver au CPAS, soit disparaître complètement des radars sociaux, ce sont les travailleurs actifs sur le marché de l’emploi qui vont également subir les conséquences de ce nouveau régime.
En effet, historiquement, l’assurance-chômage s’inscrit dans une logique de double protection : elle vise non seulement à garantir un revenu de remplacement aux personnes privées d’emploi, mais également à assurer la préservation de la valeur travail pour ceux qui demeurent insérés sur le marché de l’emploi.
Aussi longtemps qu’un régime d’assurance chômage est maintenu, il neutralise tout levier de pression susceptible d’être exercé par les employeurs sur la fixation des salaires. A l’inverse, limiter dans le temps le droit au chômage viendrait affaiblir cet équilibre protecteur et ôterait tout frein à la dévaluation des salaires des travailleurs.
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