Politiques de retour au travail mesures et impacts
L'accord de coalition fédéral met en avant la nécessité d'atteindre un taux d'emploi de 80 % d'ici 2029, en ciblant notamment les malades de longue durée pouvant travailler à temps partiel. La politique annoncée repose sur une responsabilisation accrue de cinq acteurs clés : employeurs, salariés, médecins, mutuelles et services régionaux de l'emploi.
Le gouvernement prévoit d'évaluer les mesures mises en place à travers un baromètre « Retour au Travail », structurant son action autour de trois axes :
- La prévention des maladies professionnelles.
- La prévention des absences prolongées.
- L'accompagnement des travailleurs malades vers une reprise d'activité.
Une meilleure coordination entre les services fédéraux et régionaux, ainsi qu'entre les domaines de la santé et du travail, est envisagée. La mise en place d'un dossier d'invalidité commun doit permettre d'améliorer le suivi des parcours de réintégration.
Responsabilisation des acteurs
Employeurs
Les employeurs sont encouragés à mettre en place une politique de prévention et de suivi des absences. Une évaluation du potentiel de retour au travail est prévue après 8 semaines d'absence. En cas de non-respect de ces obligations, des sanctions pourront être appliquées aux entreprises de plus de 20 salariés.
Par ailleurs, la possibilité de licencier un travailleur malade après 6 mois d'absence, au lieu de 9 mois actuellement, est introduite.
Salariés
Les travailleurs malades de longue durée voient leurs droits réévalués régulièrement. Si un potentiel d'emploi est détecté, un parcours de réintégration devient obligatoire. Le refus de coopérer peut entraîner une réduction de 10 % des indemnités ou leur suspension en cas d'absence injustifiée à une convocation.
Une flexibilisation des règles sociales et fiscales est prévue pour encourager la reprise partielle du travail.
Médecins traitants et du travail
Les médecins devront transmettre les certificats via la plateforme TRIO pour faciliter la coordination entre les différents acteurs. Ils auront également pour mission d'évaluer la capacité des patients à occuper un emploi adapté.
La transformation du certificat médical en « certificat d'aptitude » implique que les capacités restantes du patient seront définies pour envisager une adaptation du poste de travail.
Mutuelles et services régionaux de l'emploi
Les mutuelles seront évaluées en fonction des actions mises en place dans les parcours de réintégration. Le financement des services régionaux de l'emploi sera lié à leur implication dans l'accompagnement des travailleurs malades vers l'emploi.
De nouveaux accords de coopération seront conclus pour renforcer l'accompagnement des demandeurs d'emploi en incapacité de travail. Ces derniers seront activement contactés avec une proposition concrète d'accompagnement.
Points d'attention
Plusieurs éléments de cette politique suscitent des interrogations :
- L'impact de la responsabilisation des employeurs et des salariés sur la prise en charge des travailleurs malades.
- Si les employeurs ne sont pas contraints d’accepter les parcours préventifs de réintégration, certains travailleurs en risque de maladie pourraient ne pas bénéficier des mesures anticipatives.
- L’obligation pour les entreprises de verser 30 % des indemnités dans les deux premiers mois d’absence pourrait constituer une charge financière importante, en particulier pour les PME
- L’obligation de réévaluation des indemnités après un an et la menace de sanctions financières pourraient être perçues comme une stigmatisation des malades de longue durée.
- La réduction du délai de licenciement de 9 à 6 mois et ses conséquences sur la sécurité des salariés en incapacité prolongée.
- Le contrôle accru des médecins et son influence sur l'évaluation des incapacités de travail.
- Le financement incitatif des services régionaux de l'emploi et la nécessité de garantir un accompagnement adapté aux situations individuelles.
Intégration dans un parcours en Économie Sociale Mandatée en Insertion (ESMI)
Et si l'Économie Sociale Mandatée en Insertion (ESMI) constituait une solution efficace pour accompagner certaines personnes devant retourner sur le marché du travail ? Pour que ce dispositif puisse jouer pleinement ce rôle, il est essentiel de le soutenir et de le renforcer.
Dans un contexte où l’on veut un taux d’emploi à 80% d’ici 2029, il est crucial de proposer des formations adaptées pour les personnes qui souhaitent se réorienter ou peu qualifiées. Dans l’idéal, ces formations doivent être rémunérées et garantir un niveau de compétences suffisant pour permettre une insertion dans des secteurs à forte qualification. Nous pensons que les politiques de soutien au retour à l'emploi doivent être repensées, notamment en gelant la dégressivité des allocations de chômage et en reconnaissant la formation comme un droit prolongeant l'accès à ces allocations.
Les aides à l’emploi doivent être plus accessibles, en particulier pour les personnes peu qualifiées qui risquent rapidement de perdre leurs droits au chômage. Un accompagnement inclusif est nécessaire pour que tous les Bruxellois, indépendamment de leur niveau de qualification ou de leur statut, puissent bénéficier des dispositifs d’insertion. Il est impératif de garantir l’accès aux ESMI, aux Missions Locales et aux organismes de formation pour les allocataires sociaux et à un plus grand nombre de personnes, au-delà des statuts actuellement couverts (Ecosoc, art.60). Ces structures ne se limitent pas à proposer des emplois formatifs ou des formations longues, elles assurent également un soutien social essentiel. Cela suppose un investissement renforcé afin d’étendre la capacité d’accueil de ces structures et de pérenniser leur mission d’insertion socioprofessionnelle.
Quelques données chiffrées
Les données récentes de l'INAMI révèlent une augmentation continue du nombre de travailleurs en maladie de longue durée en Belgique. Voici quelques chiffres clés :
- Nombre total de malades de longue durée : En juin 2024, 502 580 travailleurs étaient en congé de maladie de longue durée.
- Taux d'invalidité chez les femmes : Près d'une ouvrière sur cinq (19,5 %) est en maladie de longue durée, contre une employée sur dix. Le taux d'invalidité chez les femmes est presque deux fois supérieur à celui des hommes et augmente plus rapidement.
- Augmentation des cas de burn-out : Entre 2018 et 2023, le nombre total de maladies de longue durée a augmenté de 23 %, tandis que les cas de burn-out ont augmenté de 70 %. Chez les indépendants, cette augmentation atteint 83 % sur la même période.
- Groupe d'âge le plus touché : La tranche d'âge des 60-64 ans connaît la plus forte augmentation du nombre de travailleurs en invalidité, avec une hausse de 48,76 %. Le taux d'invalidité dans ce groupe est trois fois plus élevé que pour l'ensemble de la population active.
- Reprise du travail à temps partiel : En 2023, 78 752 travailleurs en maladie de longue durée ont repris le travail à temps partiel, contre 43 383 en 2017. Environ un sixième des travailleurs en maladie de longue durée travaillent à temps partiel, et dans près de la moitié des cas (46,85 %), cette reprise partielle est suivie d'une reprise complète.
En conclusion, cette politique de réintégration des malades de longue durée repose sur une implication renforcée de plusieurs acteurs. Son efficacité dépendra de la mise en œuvre concrète des mesures et de l'équilibre trouvé entre incitation à la reprise d'emploi et prise en compte des limitations réelles des travailleurs concernés.
Toutefois, le dispositif introduit des obligations et des sanctions qui pourraient exercer une pression excessive sur les travailleurs malades et les médecins. La réussite de cette réforme dépendra de son application équilibrée et de la capacité du gouvernement à concilier efficacité économique et respect des réalités médicales et sociales.
Ressources
Réforme du chômage quelques notes et études intéressantes
|